COLLECTION OTTO

Le nom de cette collection annonce sa dimension graphique. Le doublement du T vient trancher net la rondeur des deux O, autant dans la prononciation du mot que dans le visuel des caractères.

OTTO signifie « huit » en italien. Écho de la double boucle, qui, en basculant, se transforme en infini. Et les voilà, les trous. Dans leur infinité, leur minutie, leur régularité, leur placement ordonné ou légèrement agité, ils sculptent la pièce, deux fois : par leur présence et par ce que suppose leur vide.

L’espace négatif invite à appréhender les objets d’une autre manière que celle qui nous est immédiate. Le jeu commence. Les trous se muent, se dédoublent, se superposent. Leurs ombres se découpent, se faufilent, prolongent le champ perforé, et rencontrent, dans leur mutation, des formes qui découlent du cercle – arcs, pois, points, ovales –, ou que l’instant aura inventées.

Les céramiques ont l’audace de s’emparer de l’espace, de se structurer avec les volumes mouvants des ombres qu’elles génèrent, de composer avec la lumière qu’elles convoquent. L’objet inerte prend la dimension de son environnement, absorbe le mouvement du temps en se laissant traverser par la clarté changeante d’une journée, d’une saison, d’un éclairage délibéré.

Aurait-on envie de compter les trous, comme les aiguilles d’une horloge décomptent les minutes et les heures. En balayant lentement les cercles, elles les barrent d’orées qui se sont muées elles aussi dans leur ombre portée, gagnée par la courbure impérieuse de cette collection.

Dans une corbeille, la rondeur des fruits rappelle les poinçons. Les courbes pleines télescopent les ajours, les contredisent, les grignotent ou les remplissent.

Ces objets au design certain conservent l’utilité de leur destination. Un trou sert à fixer les aiguilles de l’horloge. Un autre stabilise la corbeille : un creux à la place d’un pied, paradoxe de l’absence qui a toutes les caractéristiques de l’accessoire inexistant.

Réponse au va-et-vient du palindrome, le décor oscille entre embellissement et construction. Les objets, complétés par la lumière partenaire, constituent des céramiques hybrides alliant plein et vide, concret et abstrait, tangible et illusion. La symétrie, patiemment élaborée, se fait chahuter par l’espièglerie des ouvertures qui débordent de spectres retentissants, autant de doubles sombres et volages.

Des architectures optiques surgissent, se renouvellent et nous prient de porter notre regard là où rien n’existait.

Le vide, empli de ses possibilités perceptibles, prend place. OTTO.

Texte de Sarah Zhiri.